Témoignage d’un éleveur des Grands Causses

Témoignage d’un éleveur des Grands Causses

TOUTES LES PRÉTENDUES ATTAQUES DE VAUTOURS SUR DES ANIMAUX VIVANTS SE SONT PRODUITES HORS LA VUE DE TÉMOIN HUMAIN.

La première fut signalée à la Borie Blanque près de Millau il y a plusieurs années. Des vautours ont dévoré une belle, une magnifique brebis lait en pleine santé. J’ajouterai en pleine santé AVANT DE MOURIR, car personne ne peut dire si elle ne s’était pas goinfrée d’une bonne dose de luzerne ou d’une autre herbe aussi brutalement météorisante.

Fin 2009, deux éleveurs du Lévézou ont accusé les vautours d’avoir tués puis dégusté en plein champ des animaux d’élevage. Une vache et son veau nouveau né pour l’un, une brebis pour l’autre. Dans les 2 cas signalés dans le journal syndical, la Volonté Paysanne, PERSONNE  N’A ASSISTÉ AU MEURTRE !

Ni les éleveurs, ni les gendarmes, ni les vétérinaires convoqués sur place. « Mes vaches, prêtes à vêler étaient à quelques kilomètres de mon exploitation !!! » explique l’éleveur de bovins, « nous repartions pour un chantier d’ensilage » ajoute-t-il.

Il y a quelques jours, c’était à Navas, près de chez nous. Et là encore PERSONNE N’A VU LES VAUTOURS TUER ! « L’événement s’est produit à quelques dizaines de mètres de la ferme alors que lui et son frère étaient en train de travailler » raconte le journaliste du J. de Millau. Les agnelles étaient certes en bonne santé la dernière fois qu’elles ont été observées, mais en plein cagnard et dans l’herbe généreuse de ce printemps la matière azotée est abondante. Comme tous les anciens qui ont jadis gardé leur troupeau, le Grand Père aurait pu raconter tant d’histoires de brebis qui se sont écroulées sitôt entrées à la bergerie. C’est pourquoi tout  bon berger tenait dans sa poche un trocard ou un opinel capable de percer les panses avant que les gaz de digestion n’aient assez comprimé les poumons pour tuer l’animal imprudemment glouton.

Depuis trente trois ans nous élevons sur le Causse Noir Aveyronnais 150 chèvres laitières et 100 brebis viande et nous affirmons que ces récits sont dus à une absolue méconnaissance des moeurs des vautours et aux très impressionnantes sarabandes qui accompagnent la dégustation d’animaux toujours TOUJOURS MORTS. Chaque accusateur ou individu sceptique ayant accès à internet devrait visionner sur youtube la vidéo d’une attaque d’un vautour sur un homme vivant, allongé sur le sol. C’est parfaitement édifiant et très amusant. Tout ce qui bouge est dangereux ! (demander « attaques de vautour » à google et parcourir la page jusqu’à la vidéo de  youtube). Quant à la supposée attaque filmée par une restauratrice pyrénéenne elle montre seulement qu’il ne s’agit que de la curée habituelle sur un cadavre sans montrer l’affreux crime.

Comment imaginer qu’un vautour puisse tuer une vache et ses veaux lorsque notre petite fille, âgée de trois ans, s’amusait seule et sans danger à faire fuir devant elle une troupe de 20 à 50 vautours qui festoyaient goulûment autour d’un cadavre de chèvre ?

Comment expliquer la frayeur d’autres troupes semblables  s’enfuyant à tire d’ailes dès que notre petit berger des Pyrénées (4 kg tout mouillé) s’approche d’eux à moins de 50 mètres ?

Pourquoi ne pas interroger les scientifiques du domaine de l’INRA à La Fage où l’on travaille scientifiquement depuis des dizaines d’années sur un gros troupeau de brebis conduit en plein air intégral. L’ennemi principal déclaré de ce centre est : LE CHIEN ERRANT !

NON, NON, NON, LES VAUTOURS NE TUENT PAS !

De jour comme de nuit, nos chèvres sont libres de sortir de la chèvrerie entre les deux séances de traite journalière. Leurs déplacements sont contenus à l’intérieur de parcs électrifiés de dizaines d’hectares chacun.

Notre troupeau de brebis est enfermé à l’intérieur de parcs grillagés 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Tous nos animaux sont donc à la totale disposition des prédateurs à plumes et à poils. Nos troupeaux et nous, ne redoutons les méfaits que de quelques rares humains malveillants et de chiens errants.

Lorsqu’une bête meurt, nous la transportons sur la placette installée par la L.P.O. avec l’agrément de la D.S.V. Très rapidement, des vautours l’aperçoivent et, avec d’infinies précautions, s’approchent un à un du cadavre. Ils sont instinctivement si méfiants qu’ils semblent prêts à s’enfuir si un seul cil de l’animal mort venait à bouger. Dés que le premier coup de bec donné à la chèvre défunte a montré qu’il s’agit bien d’une charogne, la curée débute. Ces messieurs dames se chamaillent alors hardiment en piaillant copieusement tout en se distribuant d’amples coups d’ailes et de bec. Quelques plumes volent, mais nous n’avons jamais vu apparaître la moindre trace de blessure sur l’un de ces formidables nettoyeurs. Une heure ou deux suffisent à une troupe d’une vingtaine d’individus pour ne  laisser subsister que le squelette et quelques poils que les corbeaux viendront ensuite nettoyer plus soigneusement.

Un humain ou un chien, s’approchant d’un groupe de vautours à moins de 50 mètres, même très lentement, les font fuir. D’instinct, ces volatiles savent qui sont leurs pires ennemis. A l’inverse, il leur arrive souvent de s’offrir, au soleil, une petite séance de toilettage parmi le troupeau de chèvres tout autour de notre Lavogne au bord de laquelle ils ont préalablement pris un léger bain. Chèvres et brebis ne craignent pas les vautours qui leur rendent bien cette totale confiance. Il arrive parfois qu’une de nos chèvres mette bas dehors d’un ou deux chevreaux. Si nous n’avons pas été suffisamment attentifs, le ou les chevreaux sont retrouvés quelques heures plus tard, voire le lendemain, sans que les vautours ne se soient intéressés à leurs petites vies naissantes. Il leur faut des cadavres, des vrais !

Nos brebis mettent toujours bas dehors, y compris parfois dans la neige en hiver ce qui nous oblige alors à collecter les nouveaux arrivants. Récemment, une de nos brebis a mis bas d’un agneau au beau milieu d’un champ de six hectares. Une dizaine de vautours sont alors venus tournoyer autour de la mère et du petit avant de se poser à quelques mètres. L’agneau tombé au sol s’est sorti de la poche avant de vérifier si ses pattes pouvaient le porter. De la brebis pendait la délivrance. Dès que l’agneau est parvenu à trouver la mamelle pour déguster son premier colostrum, la mère l’a léché, la délivrance (placenta) est tombée, ravivant l’attention gourmande des spectateurs ailés. Puis la mère et l’enfant s’en sont allés lentement rejoindre le reste du troupeau. La dizaine de vautours attentifs s’est alors précipitée sur la poche sanguinolente en piaillant et se chamaillant. Une seule délivrance pour dix, c’est très peu donc très rapidement avalé. Sans plus tarder, ces messieurs dames ont alors décollé afin de poursuivre ailleurs leur excellente besogne de nettoyage de la nature en laissant les miettes à quelques corbeaux.

NOUS AVONS CONSTATÉ QU’AUCUNE MARQUE D’AGRESSION NE S’EST MANIFESTÉE DES VAUTOURS VERS LES DEUX ANIMAUX. DE LEUR COTÉ, BREBIS ET AGNEAU N’ONT EXPRIMÉ AUCUNE CRAINTE PAR RAPPORT A LA PETITE TROUPE NÉCROPHAGE ET ATTENTIVE (ils se connaissent et s’apprécient depuis des millions d’années).

Considérant que nos observations sont communes à celles de tous les éleveurs caussenards nous ne pouvions imaginer qu’un jour, nos chers vautours pourraient être accusés de meurtres avant d’être une fois de plus, condamnés à mort. Les vautours caussenards sont les mêmes que les espagnols ou les italiens. Nous affirmons qu’ils ne tuent jamais ! Ils ne peuvent ni ne veulent tuer ! Le manque de charognes les amène à mourir de faim comme au nord de l’Espagne lorsque l’Europe a fait fermer un grand charnier.

Il est vrai que leurs chamailleries autour d’un cadavre en cours de dégustation sont très impressionnantes, spectaculaires, mais sans danger.

Il est aussi vrai que certains éleveurs aimeraient les voir accusés afin de masquer leurs erreurs d’élevage et peut-être recevoir un dédommagement financier officiel. Il est encore vrai que certains « chatouilleux de la gâchette » auraient grand plaisir à descendre, d’une seule cartouche, ce majestueux planeur de trois mètres d’envergure. Ils pourraient même obtenir, dans le J.de Millau, une belle photo de famille montrant trois à quatre générations humaines tenant écartelée l’immense voilure de ce féroce animal, photo soulignée d’une homérique légende : « Au péril de sa vie, un courageux père de famille à tué in-extrémis un terrible vautour d’un poids de dix kilos et trois mètres d’envergure, qui fonçait sur ses enfants afin de les dévorer tout crus ».

Nous considérons que la campagne naissante accusant nos chers vautours est due principalement à des erreurs d’observation. Les vautours se chamaillent toujours bruyamment et semblent se battre méchamment autour d’une charogne. Chacun veut et réclame sa part avec acharnement, ce qui les fait supposer féroces et méchants.

Pour débarrasser la nature des cadavres d’animaux domestiques et sauvages, pour protéger les vivants des terribles épidémies moyenâgeuses, (grippe porcine, asiatique, aviaire, espagnole, fièvre de Malte, vache folle, tremblante, FCO, CAEV, etc, etc), il est nécessaire de favoriser l’existence des plus efficaces nettoyeurs naturels que sont les vautours. Ils ont besoin de charognes pour se nourrir.

– Un service d’équarrissage motorisé ne se déplace jamais immédiatement, les vautours si.

– Un service d’équarrissage organise des tournées de ramassage promenant ainsi des cadavres infectants sur les territoires. Les vautours avalent tout sur place, microbes, virus et chairs en décomposition !

– Un service d’équarrissage c’est 35 heures par semaine. Les vautours sont disponibles chaque jour toute l’année dès les premières lueurs du jour.

– Un service d’équarrissage est payant et subventionné. Les vautours non !

– Et depuis 2009, est exigée de chaque éleveur : une cotisation volontaire obligatoire !!!!!! (sic) pour financer les sociétés d’équarrissage privées ( progrès).

– La crémation des cadavres utilise beaucoup de notre pétrole chaque jour plus cher.

Toutes les zones d’élevage devraient posséder des placettes sur lesquelles déposer les charognes. Deux troupes successives de 20 vautours chacune sont capables d’avaler un boeuf mort en quelques heures dans la plus parfaite hygiène.

Et pour répondre à votre interrogatoire par un journaliste, nous vous demandons de ne pas oublier les multiples LOUPS GAROUS DE TOUS LES TEMPS. Aujourd’hui le Lynx dans l’est, le loup en PACA, l’ours en Pyrénées et maintenant le Vautour en Sud Aveyron.

IL EST AUJOURD’HUI URGENT D’INFORMER !

Des ornithologues patentés vivent en Sud Aveyron et ailleurs. Ils ont effectué de très précises observations sur les moeurs des Vautours. Il serait bon de leur faire parcourir le pays afin que par des conférences très documentées ils éclairent les nouveaux éleveurs sans berger. Tous les éleveurs sont aujourd’hui contraints d’accomplir plusieurs travaux en même temps pour gagner péniblement un SMIC en 60 heures par semaine et 365 jours par an. Comment voulez vous qu’ils surveillent étroitement leurs  troupeaux et acceptent facilement les pertes inéluctables ?

Charles Loye

(Les photographies appartiennent à l’auteur du texte).

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