Les vautours et nous

Depuis des millénaires les vautours cohabitent avec l’homme. Dans une symbiose inédite, ils sont été les alliés indispensable du pastoralisme traditionnel. Se nourrissant du bétail mort, ils représentent le moyen le plus rapide d’éliminer les carcasses. Ces agents sanitaires naturels suppriment ainsi efficacement les risques de propagation d’épidémies. Quatre espèces de vautours sont présentes en Europe : le Vautour fauve (le plus commun), le Vautour moine, le Vautour percnoptère et le Gypaète. Ils ont rendu des services inestimables à l’homme, habitué depuis toujours à leur présence.

Cette alliance ancestrale a cependant été mise à mal suite à la crise de la « vache folle ». A partir de 2003, de nouvelles directives européennes sur l’équarrissage ont obligé les éleveurs à retirer systématiquement les cadavres, à les enterrer ou à les faire incinérer. Aujourd’hui le nombre encore important de Vautours fauves, notamment en Espagne, masque la situation critique que traversent ces oiseaux, privés de leur principale source d’alimentation. La fermeture brutale de plus de 400 charniers a provoqué une diminution de 90% des ressources alimentaires dans les Pyrénées espagnoles (proportion admise en Navarre) pour des dizaines de milliers d’oiseaux. Les vautours fréquentent maintenant en masse les décharges où ils se rassemblent par dizaines, voire par centaines, pour fouiller dans les sacs poubelle et déterrer de maigres déchets, au risque de s’empoisonner.

D’autre part la presse a largement relayé des accusations souvent erronées concernant des attaques au bétail par les Vautours fauves. On prétend que que ces rapaces intégralement charognards auraient « appris » à tuer. Pourtant leur rôle dans ces soit-disant attaques, après expertises, reste minime. La plus grande rapidité avec laquelle les vautours affamés descendent dorénavant sur les animaux morts est sans doute un facteur de confusion. Mais les seuls cas avérés où les vautours ont tué l’animal (2% des cas expertisés), celui-ci était gravement malade, mourant où dans l’incapacité de se mouvoir. Les vautours ne représentent donc pas un danger significatif pour le bétail, et l’impact de leur intervention dans ces incidents est nul du point de vue économique sur le secteur de l’élevage.

Bien au contraire, leur rôle est bénéfique pour tous. Laisser aux vautours l’accès aux carcasses c’est leur permettre de vivre dignement et de jouer leur fonction naturelle dans l’écosystème ; c’est aussi réduire l’émission de CO2 dans l’atmosphère et faire économiser aux éleveurs les frais de transport et d’incinération. C’est l’expérience que font actuellement les éleveurs de Navarre. L’ouverture de points de nourrissage ayant entraîné une nette diminution des « attaques », ils réclament par leur syndicat que les quantités de viande soient augmentées. Malheureusement, les vautours sont encore trop souvent accusés injustement, devenus les boucs émissaires d’un système bureaucratique où le secteur de l’élevage traditionnel est de plus en plus marginalisé et fragilisé. Il est urgent de réapprendre à vivre avec les vautours avant que les conditions de cette symbiose multiséculaire si précieuse pour l’écosystème ne soient perdues.